La photographie sous-marine






FOCA et la photographie sous-marine.

Les débuts

Les débuts de la photographie sous-marine remontent bien avant l'existence des petits formats et du Foca en particulier. La première date généralement citée remonte au milieu du 19ème siècle avec l'expérience de William Thompson en 1856 : une chambre au collodion est immergée dans un caisson à 5.5m de profondeur. Malgré un problème d'étanchéité, la première photographie sous-marine sera ainsi réalisée.
En 1870, Jules Verne publie " Vingt Mille lieues sous les mers " et de nombreux pionniers vont améliorer les techniques et les matériels de prise de vue.
Un de ces personnages, le français Louis Boutan, va en 1893, utiliser un appareil construit par la firme Alvergniat de Paris d'après les plans de son frère l'ingénieur Auguste Boutan. Le 31 juillet 1893, le professeur de Lacaze-Duthiers présente devant l'Académie des Sciences de Paris une note de Louis Boutan. Le principe sera ensuite repris partout dans le monde.


Les perfectionnements et la popularisation.

L'avènement du petit format va permettre à des passionnés de mettre au point des matériels plus faciles à utiliser et plus accessibles. Plusieurs noms marquent l'histoire de la plongée :
En 1945, Jacques-Yves Cousteau, en compagnie d'autres plongeurs renommés, fonde le Groupe d'Etude et de Recherche Sous-marine (GERS) de la Marine Nationale. Cette équipe fera la promotion du scaphandre autonome Cousteau-Gagnan, accessoire indispensable dans la conquête des fonds marins.
Une autre organisation , le Club Alpin Sous-Marin (CASM) de Henri Broussard, a aussi joué un grand rôle dans le développement du matériel de photographie sous marine. Cette association cannoise a encouragé les travaux de Dimitri Rebikoff à qui on doit la mise au point du premier flash électronique en 1950 par exemple ou de la torpille.



Les contraintes de la photographie sous-marine étant particulières, elles entraînent la mise au point de matériels spécifiques :
L'immersion dans l'eau pose des problèmes d'étanchéité et de résistance mécanique. La pression atteint ainsi 5 kg par cm2 à quarante mètre de profondeur. Les premiers essais de photographie sous-marine en 1856 avaient donné des résultats malgré l'infiltration de l'eau. Avec des mécaniques de précision et des émulsions de cette époque, tout contact avec l'eau serait fatal pour le matériel.
Il existe aussi des contraintes optiques. En effet, l'indice de réfraction d'une substance est exprimé par la formule n = c/v (c : vitesse de propagation dans le vide et v : vitesse de propagation dans la substance considérée). Pour l'eau de mer et pour les radiations jaunes, il est de l'ordre de 1.34. Il en résulte une différence importante de la distance focale apparente d'un objectif immergé (rapport voisin de 4/3).
De plus, le milieu n'est pas transparent comme l'air et l'éclairement et la composition spectrale de la lumière changent en fonction de la profondeur. Il est ainsi nécessaire de prendre les photos de près avec un objectif le plus lumineux possible. Aux profondeurs maximales atteintes grâce aux boîtes étanches, l'utilisation du flash devient indispensable.


L'utilisation des FOCA

Le caisson Tarzan

En 1950, Georges Beuchat commercialise un caisson sous-marin conçu selon D. Rebikoff par Henri Broussrd pour l'appareil petit format FOCA. Cet accessoire prend le nom d'une gamme de matériels de plongée du même fabriquant : le caisson Tarzan. Il est toujours proposé dans la catalogue Photo-Plait de 1954 au prix de 22320 Francs.
Ce caisson, prévu pour un boîtier FOCA à armement par bouton, est un objet imposant par son poids de 1,945 kg avec clef et sans bouchon pour le n°5. Il est fabriqué en alliage moulé. Sa conception en deux parties assemblées par quatre écrous est robuste. Dimitri Rebikoff remarque ainsi "qu'ayant souvent violemment frappé le rocher, elle (la boîte étanche) n'a jamais faibli et est toujours restée parfaitement étanche". Ce caisson souffrait par contre d'une limitation par sa conception : il était impossible de modifier la mise au point ou de régler le diaphragme une fois l'appareil enfermé. Les commandes disponibles se résumaient à deux boutons : un pour armer l'appareil en pressant fortement tout en tournant et un autre pour déclencher. L'étanchéité est assurée par des tubes en caoutchouc ligaturés sur la boîte et sur la commande. Une valve permettait de mettre le caisson sous pression : il était ainsi possible de vérifier l'étanchéité. Le viseur était quant à lui réduit à sa plus simple expression : une petite tige qu'il fallait aligner dans une encoche en V permettait de donner l'axe de prise de vue mais pas de délimiter le champ.

Le caisson Tarzan présente des variantes. Il est difficile de savoir, vu le faible nombre d'exemplaires connus si toutes ont été produites en série ou s'il s'agit de prototypes pour certains.

L'appareil Foca était maintenu dans le caisson par un berceau qui était glissé à l'intérieur et immobilisé par une cale. Un bouchon gravé Tarzan et une clef de serrage étaient normalement livrés avec.


Le modèle n°1 se caractérise par un logement d'objectif court qui ne permet que l'utilisation d'un 35mm. Dans l'eau, cette focale correspond exactement à 47mm, ce qui en fait l'objectif de base. La boîte porte à l'avant une gravure " Boîte étanche Tarzan brevet BB "

Le modèle utilisé par Dimitri Rebikoff se reconnaît par son verre de hublot fixé par une série de boulons. Etant donné le statut de pionnier de cet ingénieur, il est possible que ce soit un prototype. Cette impression est confortée par le fait qu'aucune inscription n'est visible sur la face avant.



Jusqu'en 2010, nous connaissions plusieurs modèles de caissons Tarzan, semblables à quelques différences près comme le marquage ou la longueur du logement de l'objectif. Le modèle "Rebikoff" restant un mythe dont l'xistence n'était établie que par la photo présentée ci-dessus. Grâce à l'obligeance de Mr Sid Macken qui m'a fourni des photos de son caisson Tarzan, nous avons maintenant retrouvé un exemplaire qui correspond en tous points au modèle Rebikoff.


Ce caisson n°0 (collection Sid Macken) se démarque immédiatement par la fixation du hublot frontal qui est réalisée par une couronne de vis. Difficle de savoir s'il s'agit du modèle ayant appatenu à Rebikoff car cet exemplaire n'est pas peint. Il est possible que la peinture ait été décapée mais l'état de surface de la fonderie est remarquable. Le berceau, en mousse, n'est certainement pas celui d'origine. On remarque quand même, en comparant avec la photo de référence que les deux boutons sont différents sur cet exemplaire alors qu'ils sont identiques sur celui de Rebikoff.




Autre caisson n°0 (collection YC) présentant des caractéristiques plus habituelles. Cette double numérotation 0 pose quand même la question du système de numérotation. On peut se demander s'il existe un protoype 0 puis une série numérotée à partir de 0 ou si toutes les séries (ou variantes) ont une une numérotation distincte commençant à chaque fois à 0. Il faudra patienter et recueillir d'autres numéros pour éventuellement identifier des doublon autres que 0. Cet exemplaire n°0 est équipé de son bouchon de hublot et sa valve de mise en surpression est montée en façade.




Le caisson n°5 présenté ici possède un logement d'objectif plus long, ce qui permet d'y loger un 50mm pour Universel, PF2B ou Standard. La gravure est plus grosse que sur le modèle n°1, la peinture est noire et les boutons sont nervurés.





Le n°8, malgré son numéro très proche, est très différent. Il est muni de son bouchon marqué Tarzan et sa peinture est moins mouchetée. On remarque que le logement d'objectif est beaucoup plus court ce qui limite l'équipement du Foca à un 28mm ou un 35mm. Le bouton d'armement est aussi différent et comporte une bague en caoutchouc. Le berceau interne peint en noir est d'une seule pièce.




L'exemplaire n°12, porte quant à lui la mention " MADE IN FRANCE " en plus de la gravure classique. Ce caisson est aussi équipé d'un viseur cadre.


Le Tarzan n°19 (collection Andres Claros) porte aussi la mention "MADE IN FRANCE". Les organes de visée et de commande sont en état d'origine. Le berceau pour l'appareil est noir.





Le n°25 (Collection JP Pibouleau) est identique avec son inscription "MADE IN FRANCE" à l'exception du sytème de visée d'origine qui a été conservé. A l'intérieur, le berceau porte appareil est peint en noir et la pièce d'appui sur le bouton d'armement est faite dans une matière ressemblant à de la bakélite et elle est nervurée. Le bouchon par emboîtement est sur cet exemplaire particulièrement difficile à manoeuvrer et cette pièce ne servait probablement qu'à protéger le verre pendant les périodes de stockage du matériel





Le Focascaph
Photographies du caisson n°183 de Roland Weber, avec son aimable autorisation

Ce caisson, conçu lui aussi par Georges Beuchat mais commercialisé par la Spirotechnique, reprend le concept du caisson Tarzan et lui apporte des améliorations. Il est aussi proposé dans le catalogue Photo-Plait de 1954 mais coûte 26340 Francs soit 4000 Francs de plus que le Tarzan. Le corps est toujours composé de deux parties en alliage moulé assemblées par quatre écrous et une valve permet aussi de mettre l'intérieur en surpression. Le poids est toujours conséquent puisque le n°183 pèse 1.842 kg sans appareil.

Les commandes sont par contre améliorées. L'armement s'effectue comme sur le Tarzan par un bouton appuyant sur le bouton d'armement de l'appareil mais il existe une possibilité de réglage de la mise au point par un levier. L'étanchéité des commandes est assurée sur ce matériel par des joints toriques. Diaphragme et vitesses ne sont toujours pas réglables.

On peut voir différentes finitions : noire, gris métallisée, jaune ou bleue..... Certains caissons sont équipés d'un viseur cadre qui délimite le champ, le modèle d'origine n'étant doté que d'un système de visée minimaliste comme le Tarzan. Ce caisson n'est pas courant mais il semble que la production a été plus importante car on connaît les numéros 52, 183, 221.

Caisson portant le n°15 (collection YC). Cet exemplaire a subit quelques modifications telles que l'ajout d'un passe fil en plastique et le percement du dos, bouché maintenant par deux boulons. Ces transformations sont probablement consécutives à l'utilisation d'un flash. L'autre particularité de ce caisson est d'être équipé d'un préobjectif Ivanoff qui permet de corriger la différence de réfraction entre l'air et l'eau. Le boîtier Standard est lui adapté à son utilisation.




Le caisson n°52 est de couleur bleue. La fonderie ne comporte pas l'indication de la distance de mise au point et la bague de fixation du hublot est vissée par l'extérieur. Cette pièce est d'ailleurs un point faible de cette version du Focascaph car le filetage était ainsi exposé aux chocs frontaux. Cet exemplaire a un trou fileté sur le devant permettant de monter un passage de fil pour le flash. Le Foca Standard qui l'équipe est muni d'une pièce de jonction à rainure sur le bouton d'armement et d'une couronne à engrenage sur l'Oplar 3.5cm. Le disque presseur du dos est métallique.





Le n°183 présente les particularités suivantes: Peinture noire, bague de serrage de hublot vissée par l'intérieur et repères pour les distances de 1, 3, 4m et l'infini. Le disque sur ressort qui plaque le boîtier sur la face avant du caisson est en matière plastique.





Autre exemplaire de Focascaph qui ne porte aucun numéro. Le dos est serré par des écrous papillon en bronze. L'intérieur est identique aux autres exemplaires, le hublot est mainteanu par une bague vissée extérieure comme le numéro 52. La peinture est gris martelé.



Aquaphot ou Focascaph?


Le Focascaph est quelquefois aussi dénommé Aquaphot mais cette appellation n'a été retrouvée que tardivement sur un caisson. L'exemplaire suivant pourrait correspondre à un modèle intermédiare et je le dénommerai ainsi en attente de confirmation de cette hypothèse car on peut trouver trace de cette fonderie dans le catalogue général Foca de 1954. Malheureusement, cette vue ne montre pas l'arrière du caisson mais les différences sont minimes. Une publicité sur l'Aquaphot est bien présentée dans FOCAgraphie 2006 mais il semble que le boîtier soit encore d'une exécution différente (le caisson en question est un modèle pour Leïca).

L'Aquaphot n°205 présente quelques particularités qui le différencient du modèle Focascaph et montrent bien qu'il s'agit d'un moule différent:
- Appellation "Focascaph" venue du moulage absente au dos et nervures intérieures de renfort différentes.
- Les deux parties sont numérotées.
- Absence du bossage en façade qui est destiné sur le Focascaph à un éventuel presse-étoupe pour synchro flash et valve de surpression qui affleure le corps (montée sur une embase sur le modèle classique, ce qui permet d'inverser valve et bouton d'armement pour adapter le caisson au Leïca).
- Anneaux de courroie de suspension en tôle vissée (ne sont pas venus du moulage).
- Distances non repérés sur le corps (comme le Focascaph première version) et hublot vissé par l'intérieur (comme deuxième version). De plus, la partie qui supporte le bouton de mise au point a une forme droite (arrondie sur les autres).

Par contre, la conception générale, les mécanismes, joints d'étanchéité, viseur, peinture... sont identiques.





Autre exemplaire d'Aquaphot: ce n°108 est monté en version Leïca (collection FD). Le moule est encore une fois différent:
- Aucune appellation n'est moulé sur le dos.
- Les deux parties sont bien numérotées.
- L'échelle des distances en marquée en Feet.
- Pas de bossage en façade pour l'installation d'un presse étoupe ou d'une prise flash.
- Anneaux de suspension venus de fonderie, d'un type inédit.
- Type et montage du hublot identique au Focascaph n°183 présenté avant.






Cet Aquaphot n°511 (collection PQ) porte bien la mention au dos, à l'emplacement ou d'autres indiquent "Focascaph". Impossible de savoir pour quel type d'appareil photo il était prévu car il est pertiellement démonté et la position du bouton d'armement est inconnue. Visiblement, l'appareil a été repeint car on trouve sur le dos, de la peinture bleue, identique à celle de pusieurs caissons connus. On remarque que la fonderie du corps principale est d'un modèle classique, seule la mention "Aquaphot", venue du moulage, présente une originalité. A noter le n°511 qui est très élevé.





En conclusion, on peut se demander quelle technique de moulage était utilisée. On remarque que l'aspect de surface est irrégulier et granuleux. Les variantes étant nombreuses pour une production qui était de petite série, l'emploi d'une méthode à la cire perdue est possible. L'utilisation d'un moule métal usiné est en tout cas très peu probable.



Le hublot Ivanoff


Pour corriger l'effet de la réfraction et de l'augmentation de 4/3 de la focale apparente des objectifs, un hublot spécial mis au point par les professeurs Alexandre Ivanoff et Yves Le Grand peut être adapté au caisson. Ce système optique pour prise de vue sous-marine, dénommé "préobjectif sous-marin" est constitué de deux lentilles distantes l'une de l'autre de 2 à 4cm et disposées devant l'appareil de prise de vue à la place du verre plan de hublot. La première lentille, plan-concave a sa face antérieure au contact de l'au et fait donc office de verre de hublot tandis que la seconds, plan-convexe est placée le plus près possible de l'objectif de prise de vue. Cet ensemble optique est calculé pour fournir d'un objet immergé une image virtuelle qui apparait sous le même angle que l'objet. Les modèles équipés du préobjectifs sont facilement reconnaissables car cet accessoire est d'un encombrement remarquable et donne l'impression que le caisson est doté d'un gros pare-soleil.


Sur le même thème mais sans pouvoir préciser quel pouvait être l'intéret réel d'un tel équipement, un collectionneur de matériels sous-marins m'a communiqué une copie de publicité concernant un masque de plongée intégrant un système optique Ivanoff. On peut supposer que ce masque était utile lors de l'utilisation d'un caisson équipé d'un préobjectif Ivanoff pour avoir une vision correspondant à ce qui sera restitué sur la photo




Le Plastiphot LAMER


La société LAMER, bien connue des Focaïstes par sa boîte Ocina, a aussi mis à la disposition des amateurs de photographie et de ciméma sous-marin un matériel original qui permet d'utiliser différents boîtiers tout en ayant des possibilités de réglage nombreuses. Il paraitrait même que certains utilisateurs arrivaient à changer les films sans sortir l'appareil. Il est vrai que le maniement, une fois le système assemblé, est assez simple mais le montage est plutôt fastidieux: le support de l'appareil doit être monté dans la housse (deux possibilité de réglage de la hauteur par renversement de la platine), il faut ensuite introduire l'appareil et le fixer sur la platine. Le gant orange s'enfile sur un anneau métallique et la housse vient coiffer l'ensemble. Un bracelet caoutchouc est placée par dessus et le tout est serré par un collier inox. Une valve de vélo permet de mettre l'intérieur sous pression.






Remerciements :

A Roland Weber, pour les indications fournies sur son Focascaph et les divers documents communiqués.
A Max Colloc pour les documents communiqués.

Bibliographie :

Encyclopédie Prisma du monde sous-marin, 1957
L'Exploration sous-marine, D.Rebikoff, Arthaud, 1954
100 ans de photographie sous-marine, Steven Weinberg et all, Alain Schrotter Editions
La photographie sous-marine, D.Rebikoff, Photo Cinéma janvier 1951
Foca Historica, JL. Princelle, Editions Cyclope.
Il était une fois les Foca, D. Auzeloux.
FOCAgraphie, JL Princelle et D Auzeloux, Le Rêve Editions, 2006

Sites internet :

http://www.foca-collection.fr/
http://roland.weber4.free.fr/index.htm
http://www.frogmanmuseum.com/
http://monsite.wanadoo.fr/scaphandrier/

Photographies :

Focascaph n°183 : Roland Weber
Focascaph n°52, Tarzan n°5 et 8, Aquaphot n°205 : Gilles Delahaye
Aquaphot n°511: PQ
Aquaphot n°108: FD
Focascaph n°15, Tarzan n°0: YC
Tarzan n°25: JP Pibouleau
Tarzan n°19: Andres Claros
Tarzan n°0: Sid Macken